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L'Aluminium Français : instrument d'une stratégie de groupe 1911-1960
Auteur(s) : Hachez-Leroy, Florence ; Caron, François
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Notice du document
- Titre / Title
- L'Aluminium Français : instrument d'une stratégie de groupe 1911-1960
- Auteur(s) / Author(s)
- Hachez-Leroy Florence, auteur principal ; Caron François, sous la dir.
- Type de document
- Thèse d'histoire contemporaine
- Publication
- Université de Paris IV-Sorbonne, 1995
- Description technique / Physical description
- 717 p. : ill.
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Description
- Résumé / Abstract
- Les ententes et cartels sont des formes controversées de relations entre entreprises. Leur objet peut être divers, du simple accord de prix entre producteurs à un contrat entre clients et fournisseurs. Leur forme prête à une plus grande confusion encore. Le comptoir de vente fut le plus fréquent en France au début du XXe siècle, à la faveur d'une complaisance du pouvoir politique et d'une certaine idée de rationalisation du marché. L'Aluminium Français, créée en 1911, s'inscrit dans cette idée de réguler un marché encore étroit et soumis à de fortes variations de prix et de consommation. L'A.F. est un cas élaboré spécifique, lié au métal lui-même. La vision endogène des cartels est marginale alors qu'elle permet de mieux cerner les effets sur les entreprises participantes, et ouvre de nouvelles perspectives. Si l'on considère traditionnellement que cartel et malthusianisme des entrepreneurs sont liés, l'étude plus particulière de L'A.F. permet de nuancer le propos ; le cadre de la monographie d'entreprise est dépassé et privilégie celui d'un secteur, et suit un processus de croissance aboutissant à l'organisation monopolistique d'un marché. La mission de L'A.F. était de développer le marché français de l'aluminium, inexistant en 1911. La stabilité des prix fut le premier acquis et permit aux industriels de dégager des profits pour les réinvestir en commun. Parmi les premières réalisations de L'A.F., deux sont significatives de la complexité de sa tâche et des intentions de ses créateurs : la construction d'une usine de transformation d'aluminium, à Chambéry, et d'un site de production et de transformation aux États-Unis. Ce dernier fut le plus ambitieux projet de L'A.F. et des producteurs français jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Il était lié à la mise au point d'un nouveau procédé de fabrication de l'alumine qui devait diminuer le coût de fabrication de l'aluminium. Les Français espéraient concurrencer les Américains. Ce fut le plus important programme d'investissements français outre-Atlantique avant la Première Guerre mondiale, qui échoua à cause de celle-ci. Il mettait en évidence l'internationalisation précoce des échanges, en raison de la forte inégalité de développement des marchés. La concurrence mondiale, très tôt vigoureuse, avait déjà abouti, en 1901, à la création d'un cartel international auquel participaient les deux plus importantes sociétés françaises : la S.E.M.F. et la Cie P.C.A.C. La rivalité entre producteurs étrangers faisait craindre aux Français des tentatives de contrôle de leurs entreprises, notamment par les Allemands. Le financement de projets industriels fut l'un des moyens pour L'A.F de contrôler et développer le marché. La création de l'usine de Chambéry était nécessaire à cause de la réticence des transformateurs de cuivre à travailler l'aluminium. À partir de 1919, la politique de recherche systématisée de L'A.F contribua à développer les connaissances sur le métal et ses alliages, les procédés et les outils de façonnage. Les moyens de L'A.F. furent développés en conséquence : les services techniques constituèrent une structure efficace et organisée à partir des années trente. Par ailleurs, la société investit dans de nombreuses entreprises industrielles. Cette stratégie de participation évolua selon les époques, guidée par les décisions de la Cie A.F.C. Avant cela, au sein de L'A.F., un processus de concentration horizontale fut mené par P.C.A.C., qui absorba trois de ses concurrents et s'acheva par la constitution, en 1921, d'A.F.C., le plus gros producteur européen à cette date. L'A.F. devint une des filiales d'A.F.C. qui possédait 80% du capital, et ses services furent intégrés aux structures du producteur de métal. Ainsi, bien qu'il y ait eu une participation de la Société d'Ugine (20%), L'A.F. fut l'instrument stratégique du développement de Pechiney. Au fil du temps, le cartel était devenu une simple société commerciale. L'émergence de la fonction commerciale, à L'A.F., fut significative d'une réelle volonté d'adaptation des structures aux besoins du marché. Il en est de même de la place importante donnée à la propagande. L'A.F., plus qu'une société de vente, fut l'outil commercial d'A.F.C. Peu de cartels réussirent à évoluer et à s'adapter aux contingences économiques et politiques sur une aussi longue durée. Comment expliquer une telle longévité ? La nature particulière de l'industrie et du marché de l'aluminium fut déterminante : un petit nombre de producteurs contraints d'agir rapidement pour développer leurs ventes et assurer le développement de leur entreprise, et une industrie très coûteuse en terme d'investissements, où toute forme de partenariat était profitable à chacun. La personnalité de quelques hommes, au sein de la même société, impulsa une vision nationale et internationale à long terme, que les autres sociétés n'eurent pas l'opportunité ou la chance de posséder. Le charisme d'Adrien Badin fut essentiel et l'usage qu'il fit du cartel fut une véritable innovation de structure. Elle lui permit de faire prendre conscience à ses confrères de la nécessité de s'unir. La mise en place d'une société aussi élaborée que L'A.F. préfigurait de ce que pouvait être une seule entité. En imposant l'idée d'un regroupement, L'A.F., organisme fédérateur, favorisa la stratégie de concentration P.C.A.C. Parallèlement, A. Badin entreprit de donner une dimension internationale à l'industrie française, par son projet aux États-Unis et sa participation au sein des ententes internationales successives. A sa mort, cette dernière ambition fut reprise par Louis Marlio. Enfin, la capacité des dirigeants à adapter régulièrement les structures de leur société aux modifications et besoins du marché fut déterminante : elle permit le passage en douceur du cartel à la société commerciale. En intégrant L'A.F. dans l'organigramme de ses services, la Compagnie A.F.C. réalisait des économies mais, surtout, elle lui donnait la possibilité de se consacrer à la recherche et au développement commercial. Les limites chronologiques de l'étude - 1911 au début des années soixante - se justifient, au début, à la fois par un contexte de crise économique durement ressentie par les sociétés productrices d'aluminium, par une situation internationale tendue avec rupture du cartel international et par la création de L'A.F. À la fin, elles correspondent à d'importants changements à la fois dans les conditions générales du marché en France et dans le monde, et dans les choix stratégiques internes aux entreprises. Les négociations douanières internationales, la fin de la guerre de Corée provoquant une surproduction américaine et un afflux de métal en Europe, ainsi que les perspectives du Traité de Rome, créèrent des conditions tout à fait nouvelles. Le marché français, jusque-là protégé, fut alors ouvert à la concurrence tandis que les ententes traditionnelles qui régissaient l'ensemble de l'économie française étaient remises en cause. En conséquence, Pechiney fut contrainte de reconsidérer sa propre structure et ses choix de développement. L'accent mis sur la production jusqu'à la fin des années cinquante s'avérait dès lors insuffisant. Le contrôle de la transformation devenait désormais un enjeu essentiel pour s'assurer des débouchés et asseoir sa puissance, au regard des Américains qui prenaient pied en Europe en rachetant des entreprises. Au centre des relations producteurs - transformateurs/clients, L'A.F. était dans l'oeil du cyclone. Ses compétences s'en trouvèrent diminuées au début des années soixante ; une nouvelle époque, radicalement différente, s'ouvrait. La création de L'A.F. intervint en 1911, alors que les producteurs français étaient soumis à des pressions internes (l'hostilité des transformateurs et l'étroitesse du marché) et externes (concurrence internationale et tentatives d'implantation allemandes) mais il fallut le choc de la Première Guerre mondiale pour que ses structures s'affirment et que le principe de son existence soit acquis. À partir de 1919 jusqu'à la fin des années vingt, L'A.F. concentra son activité sur la recherche technique, mais sans véritable programme de développement, sans définir de priorités de développement. Cette époque fut celle d'initiatives dynamiques liées à la forte croissance du marché. Mais une certaine confusion des fonctions avec A.F.C., déterminèrent cette dernière à définir de façon plus précise les compétences de chacune. L'A.F. entra dans une troisième phase où les pratiques commerciales s'affirmèrent ainsi qu'une méthode plus rigoureuse dans la recherche technique. Du début des années trente au début des années soixante, un dynamisme était créé qui unissait à la fois les fonctions de recherche et les fonctions commerciales. De nouveaux procédés et méthodes de travail étaient intégrés tels que les statistiques, la formation, ou les campagnes de propagande à destination d'un large public.
- Ce document a bénéficié du soutien de l'IHA
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Voir aussi
En lien avec ce travail, voir dans les Cahiers d'histoire de l'aluminium :
- Florence Hachez-Leroy, "Des premières initiatives commerciales à la création de L'Aluminium Français. Le marché de l'aluminium en France, 1888-1912", n° 8, 1991, p. 11-23.
- Florence Hachez-Leroy, "La formation technique, une arme commerciale. L'action de L'Aluminium Français de 1911 à 1955", n° 17, 1995-1996, p. 64-73.
IHA-REV-11.17.05
