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Entreprises et environnement en France de 1960 à 1990 : les chemins d'une prise de conscience
Auteur(s) : Boullet, Daniel ; Plessis, Alain
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Notice du document
- Titre / Title
- Entreprises et environnement en France de 1960 à 1990 : les chemins d'une prise de conscience
- Auteur(s) / Author(s)
- Boullet Daniel, auteur principal ; Plessis Alain, sous la dir.
- Type de document
- Thèse d'histoire contemporaine
- Publication
- Université de Paris X-Nanterre, 1999
- Description technique / Physical description
- 575 p. : ill.
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Description
- Résumé / Abstract
La prise de conscience de l’importance des questions ayant trait à la protection de l’environnement est manifeste aujourd’hui en France dans le monde des entreprises. Le travail entrepris vise à reconstituer dans le temps la genèse de ce phénomène, à dégager les étapes qui ont pu marquer depuis les années 50 jusqu’à 1990. Il s’efforce d’en déterminer les facteurs : ceux qui sont à rechercher à l’extérieur des entreprises, dans l’action des pouvoirs publics et dans les évolutions de l’opinion, mais aussi ceux qui se sont développés à partir du sein même de l’industrie ; ceux qui témoignent de dynamiques trouvant leur source en France même et ceux qui, en un temps marqué par la construction européenne et par l’internationalisation croissante des économies, portent la marque d’influences étrangères ou internationales.
Une première partie (avant 1960) recense les fondements anciens sur lesquels a pu s’appuyer l’attention portée à l’environnement industriel : ancienneté des règles de droit (droit des établissements, droit de l’eau) applicables aux entreprises, capable de les avoir dotées d’une expérience juridique et administrative néanmoins limitée par les lacunes dont l’application réelle des textes a longtemps fait preuve ; existence dans beaucoup de sociétés industrielles d’une certaine expérience du voisinage (pêcheurs, agriculteurs, citadins, sportifs), forme encore embryonnaire à laquelle s’est longtemps limitée l’appréhension des phénomènes d’opinion ; repérage, pour une époque marquée dans l’industrie par la rareté des motivations internes à agir pour l’environnement, de celles qui avaient déjà pu émerger, même encore faiblement, pouvant deviner en elles différents types de motivations capables d’offrir un fort potentiel de développement, et donc d’éclairer diverses évolutions ultérieures (sécurité, hygiène, utilisation de l’énergie, utilisation de l’eau, productivité). À la fin de ces temps pré-environnementaux, les années 1950 offrent plusieurs signes de changement.
Une deuxième partie, consacrée aux années 1960, commence par l’étude d’un tournant chronologique, entre 1958 et 1961, dont l’origine est double : développement des préoccupations relatives à la pollution atmosphérique et nécessité de fixer une nouvelle politique de l’eau. Ses effets ont été inégaux, plus importants pour l’eau que pour l’air. Grâce à lui, sous l’effet également de la catastrophe de Feyzin, une véritable politique de l’environnement s’impose, où les pouvoirs publics tiennent le rôle principal. Ceux-ci se sont montrés néanmoins systématiquement soucieux de proposer aux entreprises un modèle partenarial, source à la fois de lenteur et de continuité dans leur adaptation. L’opinion connaît dans le même temps diverses mutations, intéressant spécialement les appréhensions des espaces de vie et de loisirs, qui se révéleront à terme importantes pour le monde industriel, même s’il les a peu perçues sur le moment.
Une troisième partie, la principale du travail, est consacrée aux années 1970-1990. L’étude les divise en trois temps. Les années 1970/1976-77 sont celles de l’avènement brusque de l’environnement : retentissement – dans des secteurs importants de l’opinion – du mouvement international de prise de conscience face à la dégradation de l’environnement, dans un contexte qui reste marqué par la proximité des événements de 1968 et la sortie de la décennie gaullienne sous la conduite de Georges Pompidou. De multiples manières (sur des produits, sur des sites ou d’une manière générale), l’industrie s’est trouvée interpellée : parmi des réactions contrastées, les attitudes d’adaptation dominent néanmoins, grâce à quoi certaines en sont venues à prendre en propre des initiatives variées.
Les années 1976-77/1983-84, marquées par d’importantes difficultés économiques, amènent à s’interroger sur l’impact, réel mais néanmoins limité, de la crise sur la prise en compte de l’environnement. Ces années ont en effet correspondu à un temps d’approfondissement des pratiques relevant du souci de sa protection, auquel tout un ensemble de mutations ont contribué : développement du droit et de la jurisprudence de l’environnement, émergence de nouvelles techniques, affirmation du risque technologique majeur et transformations du mouvement écologiste.
Le reste des années 1980 jusqu’à 1990 voit une accélération de toutes ces évolutions. Une raison en est le renforcement du poids, pris dans la vie des entreprises, par le risque industriel majeur. Mais au-delà, tout se conjugue à partir du milieu des années 80, pour amener un nombre croissant d’entreprises à prendre conscience, dans un contexte de plus en plus international, de la triple nécessité réglementaire, sociologique et économique de la prise en compte de l’environnement par l’industrie.
D’origine principalement française, l’adaptation des entreprises aux nécessités de la protection de l’environnement a découlé de décisions prises par les pouvoirs publics au cours des années 60. Cette dynamique française s’est cependant renforcée au fil des ans d’une deuxième dynamique, d’origine extérieure au pays. La source d’influence majeure est toujours demeurée celle de l’État, même si des pressions temporaires de l’opinion ont pu le conduire à franchir telle ou telle étape : d’un cap maintenu avec souplesse mais avec suffisamment de constance, les entreprises ont pu tirer des repères assez clairs pour entamer et poursuivre leur évolution face aux questions environnementales. Nombreuses sont même celles qui en sont venues à tenter de tirer avantage de cette évolution.
Trois observations supplémentaires se dégagent du regard porté au cours de ce travail sur l’histoire de l’environnement industriel en France :
- l’obligation d’abord de remettre en cause l’idée générale, fréquemment exprimée, d’un retard français en matière de protection de l’environnement, qui, du point de vue de l’environnement industriel ne saurait être admise sans nuance.
- La constatation d’une relative imperméabilité du sujet aux aléas des conjonctures, tant politiques qu’économiques, celles-ci n’ayant guère occasionné que des retards ou des accélérations, mais jamais de très profondes remises en cause. Sans doute est-ce le signe d’un ancrage devenu assez solide de ces questions dans le pays et jusque dans la vie quotidienne des entreprises, ce qui ne signifie évidemment pas que le terme donné à cette étude doive être regardé comme la marque d’un quelconque accomplissement d’une évolution achevée.
- La nécessité de relativiser l’impression positive tirée des remarques précédentes : il est permis de se demander si la réussite relative que l’on a pu observer n’a pas été acquise au prix d’une certaine réduction des objectifs fixés à la protection de l’environnement, le plus souvent envisagé sous l’angle limité de la lutte contre les nuisances et les pollutions. Les questions plus larges, qui tiennent à la qualité de la vie des hommes autant qu’à la qualité de l’environnement naturel métrologiquement contrôlé, n’ont-elles pas été pour une part un peu délaissées, la question valant pour le corps social tout entier et évidemment pas pour les seules entreprises, mais valant pour elles tout de même aussi.En lien avec ce travail, voir dans les Cahiers d'histoire de l'aluminium : Daniel Boullet, "Pechiney et l'environnement (1960-1980). Précocité et diversité d'une expérience", n° 26, 2000, p. 10-37.
