À l’usine de L’Argentière, les ruraux, pour la plupart petits propriétaires dans la vallée commencent à travailler à l’usine dès son ouverture, mais ils lui sont peu attachés. Ces ouvriers souvent pluriactifs et appelés en conséquence « ouvriers-paysans », constituent la majorité de la main-d’œuvre française au début du siècle. Leur importance décroit peu à peu face aux « ouvriers purs ». Ces derniers sont estimés à 2 % de l'effectif total en 1911 et atteignent entre 9 % et 15 % de la main-d’œuvre en 1941.
Au démarrage de l’usine, une part importante de la population ouvrière est constituée de travailleurs immigrés. Ils représentent 65 % de la main-d’œuvre en 1929, alors que les ruraux ont encore tendance à « bouder » l’usine. Ce sont d’abord les Italiens qui sont recrutés en grand nombre dans les années 1910, puis, dans les années 1920, les ouvriers polonais ainsi que quelques ouvriers slaves et marocains. Après la Seconde Guerre mondiale, les italiens ne représentent plus que 9 % de la main-d’œuvre immigrée. Dans les années 1980, lors de la fermeture, les travailleurs originaires d’Afrique du Nord (Algériens et surtout Marocains) sont devenus majoritaires parmi les immigrés et représentent 70 % de la population ouvrière étrangère.
Entre les immigrés, majoritaires au début, et les nationaux, la tendance s’inverse à partir de 1935. La population locale cherche à intégrer l’usine et la part des ouvriers étrangers décroit. Ces derniers représentent 46 % de la main-d’œuvre en 1935, puis 23 % en 1952. Ils ne seront plus jamais majoritaires.
Entre 1910 et 1930, l’usine connaît une forte rotation de sa population ouvrière. Les ouvriers étrangers ne se fixent pas à L’Argentière. 40 % d’entre eux travaillent en moyenne une à deux saisons à l’usine puis repartent. L’usine connaît une grave crise du personnel en 1926. 15 % des postes d’ouvriers sont vacants. C’est à cette époque que les premières femmes intègrent l'usine, en petit nombre. Si certaines sont secrétaires ou « dactylo », la plupart d'entre-elles sont manœuvres aux cotés des hommes. Il faut attendre l'après-guerre pour connaître une véritable stabilisation de la main-d'œuvre.
Source principale consultée
FREGANS, Emmanuel (sous la direction de Mr CHAGNY). L'usine Pechiney de l'Argentière. Contribution à l'histoire technique et sociale de l'industrie de l'aluminium. Maîtrise d’histoire, Université Pierre Mendès France, 1992-1993. (IHA, cote : IHA-TU-008)